Nevada, un film sur une vérité émotionnelle

Il est toujours compliqué dans un film d’aborder des sujets sensibles, sombres ou aller sur un thème lié à un climat social/politique instable sans rentrer dans la caricature. Certains vont recommander de prendre position et de clairement mettre en avant son opinion (notion du bien et du mal). D’autres au contraire, vont conseiller de mettre en place une narration impartiale, quitte à mettre en avant une réalité parfois dure et méconnue du grand public.

Nevada, le film de Laure de Clermont-Tonnerre reprend cette seconde idée avec une histoire autour de l’austérité carcérale aux USA.  Cette « nouvelle » réalisatrice car il s’agit de son premier long métrage avait déjà travaillé sur un court-métrage en 2015 traitant du même sujet. Laure de Clermont-Tonnerre très assidue réalise tout d’abord une prouesse avec ce film notamment par sa collaboration américaine où il est extrêmement compliqué d’entrer.

Surtout quand on sait que Robert Redford honore son nom au générique (festival Sundance), on comprend tout de suite que nous sommes dans un film d’une grande acabit. Pour rappel M. Redford est l’homme qui murmure à l’oreille des chevaux ?, il continue encore aujourd’hui son engagement pour sauver cet animal.

Les chevaux au milieu d’un programme carcéral

Ce projet cinématographique initié il y a maintenant 5 ans, met en avant une réalité bien réelle. Pour resituer le contexte, aux États-Unis il y a plus de 100 000 mustangs qui vivent à l’état sauvage. Pour réguler leur population, une partie d’entre eux « vont dans des prisons » pour être dressés par les détenus et ensuite revendus (aux particuliers, à la police locale, à des fermes…).

Ce projet a deux objectifs, le premier réguler la population des chevaux même si après s’être renseignés sur le sujet, une grande partie des animaux sont abattus ou mal traités par les autorités. Le second objectif a pour but d’aider les prisonniers à se sociabiliser. Et ainsi éviter la récidive à leur sorti de prison. Effectivement, ce programme montre que les prisonniers ayant collaborés à ce projet ont un taux de récidive moins élevé.

Dès lors commence le film dans les plaines de l’Ouest au milieu des Mustangs en liberté. On ressent vite une certaine tension, quel est ce bruit assourdissant qui se rapproche ?

Un vrai coup de cœur !

Le silence, la musique et la qualité des plans suffisent a nous immerger dans ce film. On comprend tout de suite que la réalisatrice a effectué des recherches, nous sommes dans une ambiance parfois méconnue de l’Amérique.

Nous faisons très rapidement connaissance de Roman Coleman, le personnage que nous allons accompagner tout au long du film. Un détenu instable qui ressent une grande colère en lui. Il est très solitaire comme si le mal l’avait consumé depuis plusieurs années. Petit à petit au cour du film nous allons comprendre comment il est arrivé à cet état de « mort affective ».

Il va faire la rencontre de Marquis un mustang, qui comme lui ressent de la colère. Celle d’être enfermé, de ne plus profiter des grandes plaines et d’être tomber dans le piège de l’homme. C’est pourquoi à plusieurs reprises l’image subjective de Coleman est calquée sur celle du cheval, cette liaison entre l’homme et l’animal est d’une grande justesse et c’est juste bluffant.

Matthias Schoenaerts interprète avec brio ce personnage très sombre surtout quand on sait la raison pour laquelle il est en prison. Sur le plan émotionnel, nous sommes emprisonné entre le fait de s’attacher à Coleman et notre rationalité qui nous protège du personnage. Il n’y a pas de fioriture, aucun élément superflus n’est rajouté. Nous sommes tout de suite introduit dans une scène spirituel avec le détenu ou du moins ce qu’il en reste. Cet objectif est clairement souhaité par la réalisatrice. Par exemple le lieu de tournage est une ancienne prison américaine, ce n’est pas joué dans un studio… On veut nous mettre face à une réalité qui n’est pas faite de héros ou de méchants juste d’hommes…

Si bien que chaque personnage apporte quelque chose au film, du prisonnier à la psy. Par exemple sans rien vous spoiler, certains acteurs sont d’anciens détenus, cela montre le travail réalisé en amont. On a vraiment l’impression que c’est un travail d’une grande minutie qui nous est présenté. Rien n’est laissé au hasard… Un vrai travail d’horlogerie. Après plusieurs recherches de notre côté, le thème carcéral et plus particulièrement sur savoir « comment devons-nous punir« , « comment se passe la vie en prison« , « comment ressortent les détenus psychologiquement » est un sujet que travail Laure De Clermont Tonnerre depuis très longtemps. Elle semble vraiment intriguée par cette face cachée du grand public. Son court métrage « Rabbit » en est un exemple.

Pour conclure, nous sommes unanimes pour dire que le film est bouleversant, il rentre dans la même catégorie qu’un film comme The Revenant. L’ensemble est parfaitement maîtrisé par la réalisatrice.

Certaines scènes comme le face à face entre Coleman et le Mustang sont joués sur le moment présent sans mise en scène, comme si le personnage crié « aime moi, aime moi » à l’animal.

La fin est comme le film parfaitement dosée ou sauvage comme vous préférez. Nous sommes sur le charme et nous lui attribuons la très belle note de 9/10. La jeune réalisatrice place ainsi la barre très haute, un obstacle qu’il faudra franchir !

Jack, « Un mustang ne se dresse pas, c’est lui qui vous accepte sur son dos »

 

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